Dans l’émission Paludes diffusée le 9 mai 2025 sur Radio Campus Lille, un texte singulier a retenu l’attention : Mercurio de Philippe Mezescaze, publié dans la prestigieuse collection bleue du Mercure de France.

Porté par une narration intime et sensible, ce roman interroge la frontière trouble entre vérité et mensonge, sincérité et illusion, dans le sillage d’un personnage insaisissable, fascinant, peut-être fictif jusqu’à la moelle : Mercurio.
MercurioMercurio n’est pas le narrateur, mais il est l’ombre tutélaire, le cœur battant du roman.  Le récit est mené par un homme vieillissant vivant avec son compagnon Almanof à Paris. Ensemble, ils racontent leur lien ancien et complexe avec Mercurio, un jeune homme rencontré dans un lieu de drague homosexuel vingt-cinq ans plus tôt.

À la fois séduisant, vivant de ses charmes et rêvant d’une carrière dans le cinéma, Mercurio côtoie les marges brillantes du monde culturel : André Téchiné, Jacques Nolot, peut-être Gaël Morel…

Ce qui commence comme une relation nourrie de complicité, de désir et de fascination devient au fil des années une amitié chahutée par les absences, les silences, les doutes. Mercurio apparaît, disparaît, revient. Lorsqu’il annonce être atteint d’un cancer, ses anciens amis l’accompagnent, entre compassion et soupçon.

La maladie est-elle réelle ? Ou est-elle un ultime rôle dans le théâtre d’un homme dont on ne sait jamais s’il joue ou s’il est ?

La force du roman tient dans cette ambiguïté constante, dans cette méfiance douce- amère du narrateur, dans ce regard qui vacille entre tendresse et méfiance.

Comme le dieu Mercure, patron des voleurs et des voyageurs, Mercurio glisse entre les définitions, échappe aux cases. Est-il un mythomane ? Un être libre ? Un imposteur ?

L' écriture de Philippe Mezescaze, fine et acérée, restitue avec brio cette indécision. Tout le récit joue sur l’idée de rôle, de performance – à l’image du monde du cinéma qu’il traverse – et interroge la sincérité des liens à l’ère des masques et des identités fluides.

Le roman entretient un dialogue implicite avec le cinéma d’auteur français, notamment celui des années 80-90 : celui d’un réalisme poétique queer, souvent habité par des figures marginales, troubles, passionnées.

À l’image de « J’embrasse pas » de Téchiné ou des œuvres de Jacques Nolot, Mercurio questionne la vérité des émotions et le mensonge des apparences, avec une même tension entre documentaire intime et fiction romanesque. La langue de Mezescaze épouse le trouble du sujet : elle est limpide sans jamais être plate, élégante sans excès.

L’émotion y circule à travers les non-dits, les allusions, les silences. En cela, l’auteur poursuit une œuvre discrète mais profondément marquée par la recherche de vérité dans la complexité des sentiments et la fugacité des êtres.

Mercurio est un roman troublant, touchant, brillamment ambigu. Philippe Mezescaze y poursuit son exploration de personnages à la marge, à la fois réels et fantasmés, dans une langue à la fois sensible et incisive.

Ce texte fait partie de la sélection de L’Arrache-Cœur (n°859) de l’émission Paludes. Pour découvrir cette exploration littéraire en profondeur, écoutez l’émission complète en Replay sur le site de Radio Campus Lille.

Cet article s’inscrit dans le cadre de l’émission "ÉCHOS DES ONDES", diffusée chaque 4éme mardi du mois sur radio Campus Lille.de 16:00 à 17:00.

À travers cette chronique, nous prolongeons notre exploration de l’actualité culturelle locale, mettant en lumière les initiatives, les créations et les voix qui font vibrer notre radio et le territoire.

|Par Petrouchka 

 


mail de contact: Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.