Les métropoles barbares, l’exemple de Lille - Guillaume Faburel, Hors-sol, la P.A.R.C. . . . .
Démondialiser la ville, désurbaniser la terre !
Pour écouter / télécharger le débat en MP3 cliquez sur les écouteurs => {mmp3ex}www-radio-campus.univ-lille1.fr/ArchivesN/LibrePensee/BCE181114.mp3{/mmp3ex}
Une victoire contre la densification urbaine, comme celle de Saint-Sauveur, est une première à Lille, si ce n'est en France. Balayer le vieux monde industriel et le nouveau monde technologique oblige à formuler une critique radicale des formes urbaines qui les soutiennent. La revue Hors-Sol qui a contribué à cette victoire via l'A.S.P.I. (Association pour la Suppression des Pollutions Industrielles) vous invite à une soirée de critique de l'urbanisme contemporain et de sa traduction métropolitaine.
Capitales du cancer, du suicide, de l'obésité, du chômage, des Miss France et du vote Front National, Lille et la région Hauts de France poursuivent leur engagement dans une course à « l'attractivité » des sièges sociaux et des activités à haute valeur ajoutée : de Bois Blancs à Fives-Cail et de Lille sud à Euralille 3000. Lille est la deuxième ville la plus polluée de France et l'une des villes au ratio de m2 d'espaces verts par habitants le plus faible. Embouteillages, pollutions de l'air et des eaux, prédation des matières premières, le modèle urbain re- lève d'une totale irrationalité écologique. L'urbain ne recouvre que 2% de la surface terrestre, mais rejette 80% des gaz à effet de serre. Pourtant, il reste le modèle hégémonique d'organisation de l'espace. Partout, les mégapoles explosent. D'ici vingt ans, les deux tiers de l'humanité survivront dans des métropoles barbares.
Hors-sol souhaite reprendre le fil de la critique radicale de ce qu'on appelle désormais « l'urbain », à défaut de ville. Critique délaissée depuis les années 1970 pour un « Droit à la ville » qui ne saurait, et n'a jamais su, représenter une réponse aux enjeux économiques, dé- mocratiques et environnementaux actuels. Voilà un siècle déjà que Lewis Mumford dénonçait cette « mégalopole mécanisée, standardisée et parfaitement déshumanisée » qu'on ne veut ni ne peut se réapproprier.
Pour en causer, nous avons invité Guillaume FABUREL, géographe et auteur de Les métropoles barbares, démondialiser la ville, désur- baniser la terre (le passager clandestin, 2018), ainsi que les membres de l'association P.A.R.C. en lutte contre la bétonisation de la friche Saint-Sauveur.
Guillaume FABUREL : Guillaume Faburel est professeur d'études urbaines à l'Université Lyon 2, et enseignant dans les Instituts d'Etudes Politiques de Lyon et de Rennes. Ces travaux portent notamment sur les questions de biopouvoirs urbains et de communs territoriaux, ainsi que vers les formes d'activismes et d'alternatives socio-écologiques à la métropolisation.
Chercheur à l'UMR Triangle, il y est responsable de l'Axe Etudes Urbaines. Il est par ailleurs membre du comité de direction de l'Ecole urbaine de Lyon et coordonne le master Ville et environnements urbains, qui associe 7 établissements du site de Lyon - Saint-Etienne sur le thème des grandes mutations contemporaines de l'urbain.
Les métropoles barbares, Démondialiser la ville, désurbaniser la terre de Guillaume Faburel
La métropolisation implique une expansion urbaine incessante et l’accélération des flux et des rythmes de vie. Elle transforme les villes en firmes entrepreneuriales, et génère exclusion économique, ségrégation spatiale et souffrance sociale, tout en alimentant la crise environnementale. Au point que les grandes villes inspirent aujourd’hui un rejet croissant qui se traduit par une multitude de résistances ordinaires.
De la relocalisation de la production maraîchère à l’occupation de zones menacées par les grands chantiers d’infrastructures, ces « initiatives de l’alternative » et ces luttes productrices de communs sont l’expression d’une biopolitique de transformation sociale radicale.
Ménager la totalité organique du vivant, ses lieux et ses rythmes, et organiser collectivement les conditions de l’autonomie pourraient ainsi constituer le socle d’une contre-société décroissante face à la barbarie des métropoles et à l’abîme socioécologique où elles nous précipitent.
Aux éditions Le Passager clandestin
ISBN : 978-2-36935-099-6
Date de parution : 26 juin 2018
Pas d'aqua-poney à Moulins - La Brique 6 Novembre 2018 Le lien
Pas de piscine olympique sur la friche Saint Sauveur ! Pas de blocs de logements « à la suédoise » ! Pas de gentrification ! Depuis 2013, la métropole lilloise (MEL) se frottait les mains d’un projet d’aménagement urbain de grande ampleur sur l’ancienne gare de marchandises du quartier Moulins. Le projet était sur les rails, le secteur privé prêt à se ruer sur la plus vaste friche de Lille. Coup de théâtre : le juge administratif a rendu le 5 octobre une décision faisant s'écrouler tout l’agenda. Le tribunal, en annulant la déclaration d'intérêt général, met un bon coup de pied au cul des acteurs de la bétonnisation. Retour sur une victoire, commentée par Achille1, un des opposants de longue date au projet.
Depuis que les politiciens et les promoteurs immobiliers ont jeté leur dévolu sur la friche, on a conçu mille projets d’avenir pour les 23 hectares laissés à l’abandon depuis 2005. La MEL, le cabinet d’architecture danois Gehl et la Société publique locale (SPL) Euralille présidée par Martine Aubry ont bien tenté de nous vendre un « quartier créatif de la connaissance (…) pour flâner et déambuler », une nouvelle « articulation urbaine »2.
Sourde à la contestation des riverain.es, mobilisé.s, la MEL reste droit dans ses bottes3 : le 15 juin 2018, elle déclare le projet « d’intérêt général », ouvrant la voie aux pelleteuses. Les opposant.es ne lâchent pas : l’affaire est portée devant le juge des référés par deux associations, Protection, Aménagement et Réappropriation Collective de Saint Sauveur (P.A.R.C)4, issue du collectif Fête la friche et l’Asso Suppression des Pollutions Industrielles (ASPI)5. Le juge leur donne raison : il invalide le caractère d’intérêt général. Motif : les impacts en matière de qualité de l’air ont été négligés et la population ne dispose pas de toutes les informations nécessaires. Voila les compteurs remis à zéro.
Démocratie sous videDès 2013, la mairie déploie tous les gadgets démocratiques possibles : les citoyen.nes sont invité.es à construire le nouveau site en Lego, à participer aux ateliers initiatiques de l’équipe Gehl, à suivre des visites théâtralisées du site, etc. Achille témoigne du « grand art politicien » à l’oeuvre : manipulations oratoires, mise en scène du prétendu consensus sans débat, belles images... de la séduction dans les formes. La phase de concertation citoyenne n’est en fait qu’une formalité pour les decideurs ; elle est réduite à une sorte de jeu de société qui se pratiquerait le dimanche après-midi en famille. Que du bonheur.
Qu’en est-il des 12 000 signatures de la pétition « Lille étouffe, sauvons Saint Sauveur ! »6 et des quelques 500 avis négatifs sur un total de 600 issus de l’enquête publique ? « Ils n’ont rien gardé », déplore Achille. Martine Aubry « voulait faire un geste architectural fort et c’est tout. Elle a toujours été nerveuse à ce propos, ce projet devait être son œuvre, elle nous a toujours ignoré.es dans les médias comme dans la réalité ! ». Achille se souvient d’une intervention des opposant.es sur le chantier de construction du siège de Partenord, en présence de la maire : « on était une dizaine avec une banderole à moins d’un mètre, elle ne nous a même pas regardé.es. Trois quarts d’heure plus tard, les flics raboulaient ».
C’est cohérent quand on observe la ligne politique depuis 2001 : le quartier Moulins a vu se multiplier les investissements; la gare Saint Sauveur, la Maison Folie Moulins, le Flow ont été présentés comme devant redonner « vie au quartier »7. Malaise quand on sait que le Flow a remplacé le squat « Chti d’Arras », espace de libre d’expression musicale. Pas étonnant quand les institutions s’appuient sur des données exclusivement quantitatives pour aménager l’espace. Évaluer, chiffrer, valorise, en écartant tout ce qui ne rentre pas dans un tableur. La valeur d’un projet dit « d’intérêt général » s’obtiend par un calcul : on fait la différence entre coûts et avantages (ou bénéfices escomptés). Si le résultat est positif – houp houp houp Barbatruc – la société triomphe !
Intérêt général ? Que dalle !
« Quand on demande aux gens quelle ville idéale ils imaginent, ils parlent de parcs, d’espaces verts, de nature ; les habitant.es de Moulins ont le droit de refuser d’être entouré.es de béton à perte de vue » affirme Achille, soutenant que le désaccord porte sur la définition même de l’espace urbain. Effectivement, la densification urbaine ne va pas de soi, c’est un choix politique dont les priorités sont largement critiquables. Le plan-guide de l’agence Gehl prévoyait 200 000m² de logements (5000 nouveaux résident.es), 55 000 m² de bureau, 25 000m² d’activités et de commerce et 20 000 m² d’équipements. Un projet titanesque qui passe sous silence les risques sanitaires liés à la pollution, les retombées écologiques et la conditions de vie concrète des habitant.es.
Que l’implantation de nouveaux logements génère un trafic quotidien de 9000 voitures, que le site abrite actuellement plus de 21 espèces protégées, que les nuisances du périph’ laissent présager d’un cadre de vie morbide : Gehl s’en tamponne ! Ces insuffisances ont été débusquées par des militant.es à force d’épluchage, dossier après dossier8. Pour Achille, « la technique de la contre-expertise, ça reste une logique du moins pire ». Lutter sur le terrain juridique c’est un choix pragmatique, une voie de contestation légale face à un projet toxique et aberrant, une voie par laquelle la marge de manœuvre des militant.es se réduit à s’opposer, se justifier, plutôt que proposer ou tout simplement expérimenter.
Le projet est suspendu, mais il n’est pas mort pour autant. Les promoteurs ont jusqu’à juin 2019 pour présenter une nouvelle étude d’impact (autant dire se tirer une balle dans le pied, c’est là-dessus qu’ils se sont faits coincer). On reste donc perplexe quant aux allégations de Stanislas Dendievel, conseiller municipal à l’urbanisme de Lille : « c’est une décision qui ne remet pas en cause le projet sur le fond », « nous restons calmes et sereins quant au calendrier et quant aux objectifs que nous portons ». Tendez donc l’autre joue, eux et elles vous attendent : on ne construira rien sur la friche St Sauveur ! Ciao les nageur.ses des Jeux Olympiques 2024 et bon débarras !
Olive
Dessins : Foolmoon et Lysergia
1. Le prénom a été modifé
2. Citations issues de l’étude d’impact de la MEL, mars 2015
3. La Brique n°54 Printemps 2018 « L’erreur est urbaine », Dossier « Saint sauveur défriché »
4. Site de l’association P.A.R.C.
5. L’ASPI est une association locale créée spécifiquement pour donner des armes juridiques à celle.ux qui sont touché.es par des projets d’aménagement toxiques
6. Pétition « Lille étouffe Saint Sauveur » adressée à la MEL, la SPL Euralille et la SNCF
7. Sur les processus de gentrification liés à l’aménagement urbain, voir : La Brique n°54 Printemps 2018 « L’erreur est urbaine », Dossier « Moulins, vent d’investissement », et La Brique n°3 8 janvier 2014 « La culture en rade » article « Friche sans saveur »
8. Rapport inter-assiociatif Amis de la Terre Nord, ASPI, Entreliane et collectif Fête la friche sur le Projet Saint-Sauveur, avril 2017
P.A.R.C. : Protection Aménagement Réappropriation Collective du site Saint Sauveur et de son Belvédère, le Lien
L’acronyme P.A.R.C. (Protection Aménagement Réappropriation Collective) met en avant le principal objet de l’association : faire valoir, dans l’aménagement du site Saint Sauveur, la préservation et le développement de la nature en ville, la sauvegarde de la biodiversité, la santé publique et la qualité de vie des habitant.es, qu’il s’agisse des riverains, des futur.es habitant.es de ce quartier ou, plus largement, à l’échelle de la ville.
L’association a pour objectif de lutter contre tout projet urbain susceptible d’impacter ce cadre de vie. Elle est habilitée à engager tous les recours juridiques nécessaires avec l’aide d’avocats spécialisés en droit de l’environnement.
Mardi 20 novembre 2018 à 19h : Assemblée Générale de l'asso PARC Saint-Sauveur à la MRES Le lien
Et tout redevient possible !
Que de choses se sont passées depuis notre assemblée générale du 20 septembre (dont vous trouverez le compte-rendu ci-joint) ! Le 5 octobre, nous avons en effet gagné notre recours en référé, déposé avec l'A.S.P.I., devant le Tribunal administratif de Lille, ce qui suspend le projet de la ZAC Saint-Sauveur. Magnifique victoire, rendue possible grâce à votre aide et à votre soutien.
Nous comprenons cette décision de justice comme un appel à faire valoir des arguments qui, face à des élu.e.s traitant les voix contestataires avec mépris et croyant pouvoir passer outre les alertes et expertises d'associations spécialisées, outre les réserves d'un commissaire enquêteur, font cependant autorité devant les tribunaux.
Cette décision du Tribunal administratif ouvre de nouvelles perspectives pour notre mobilisation : le temps est maintenant venu de revendiquer un projet concernant le devenir de la friche Saint-Sauveur et de son Belvédère qui soit plus en phase avec nos aspirations et nos rêves et tienne compte des grands défis environnementaux à relever.
Aussi nous vous invitons, que vous soyez adhérent.e ou sympathisant.e, à une réunion qui permettra de construire ensemble les prochaines étapes en vue de rassembler le plus grand nombre d'habitant.e.s autour d'un projet fidèle à nos aspirations communes. Ce sera l'occasion, pour celles et ceux qui le souhaitent, de dire comment vous souhaitez vous impliquer dans l'association. Toutes les bonnes volontés seront les bienvenues.
Cette réunion se tiendra le mardi 20 novembre, à 19h, à la MRES, 23 rue Gosselet à Lille. VENEZ NOMBREUX.SE.S !
L'association PARC Saint-Sauveur a été créée le 1er juin 2018 en réponse au projet urbain mené par la MEL sur les 23 hectares de la friche de l'ancienne gare Saint-Sauveur et au projet de piscine olympique sur le parc du Belvédère. Par son action, PARC Saint-Sauveur compte faire reconnaître juridiquement le bien-fondé des larges critiques (santé publique, préservation et développement de la nature, biodiversité, droit pour les lillois à une ville plus verte) à l'encontre de cette opération urbaine avec l'aide d'avocats spécialisés en droit de l'environnement.
Les Malpolis - Ma ville (est la plus belle des villes)
Casse Pipe - Les villes mortes
Sage comme des sauvages - Asile Belleville
Mochélan - notre ville
Metropolis
mail de contact: