SUCCES DE LA MARCHE FESTIVE ROUBAIX-NECHIN DU 17 MAI 2014: L'ACCAPAREMENT DES TERRES AGRICOLES PAR LES GRANDS GROUPES DE DISTRIBUTION REMISE EN CAUSE. 23 Mai 2014.
Communiqué de presse commun de l'Association de protection de la Ferme de Bouillons de Mont-Saint- Aignan, de l'association « Collectif pour un Site Préservé entre Loire et Forêt » (SPLF45) de Saint-Jean de Braye, du Collectif pour le Triangle de Gonesse et du Collectif Voguette84.
Les collectifs d'opposants aux projets d'immobilier commercial portés par des sociétés foncières d'enseignes détenues par la famille Mulliez, organisateurs de la marche festive et non-violente « Des Champs, pas d'Auchan », se félicitent du succès rencontré par cette manifestation, première du genre depuis la création d'Auchan en 1961. Le large rassemblement auquel elle a donné lieu signe l'éclatement de l'unanimisme de façade qui entoure la famille Mulliez dans son fief du Nord, et révèle une opposition forte à l'extension des zones commerciales et aux pratiques de la grande distribution.
+ Le reportage Radio de Reporterre
+ Davos, Bilderberg c'est loin. A Roubaix 1000 cousins mulliez en colloque singulier élisent leur président.
+ Yann FIEVET - Le grand commerce aux champs
Le reportage Radio de {mmp3ex}www-radio-campus.univ-lille1.fr/ArchivesN/LibrePensee/BB140525.mp3{/mmp3ex}
Le communiqué de presse :Les militants de Pour un Site Protégé entre Loire et Forêt (SPLF45) dans le Loiret, de Voguette 84 dans le Vaucluse, du Collectif Pour le Triangle de Gonesse dans le Val d'Oise et de la Ferme des Bouillons sur les hauteurs de Rouen, qui luttent sur leurs territoires respectifs contre des projets d'immobilier commercial sur des terres agricoles, s'étaient donnés rendez-vous samedi 17 mai devant le siège de l'Association Familiale Mulliez (AFM), à Roubaix, où ils ont été rejoints par denombreuses organisations du Nord-Pas-de-Calais: syndicats (Confédération Paysanne, FSU, CGT , Solidaires Finances Publiques), Unions de commerçants (Douai, Valenciennes), militants de l'agriculture alternative (Amis de la Conf, Amap, scouts belges), de la régulation de la finance (ATTAC), militants et élus EELV et Front de gauche, clowns activistes.
Les prises de parole se sont fait l'écho de ce rassemblement. En face d'un siège de l'AFM rebaptisé par une banderole « Accapareur de Foncier Mondial », les collectifs d'opposants ont présenté leurs luttes contre Immochan et Oxylane / Decathlon, avant de passer le micro à la Confédération Paysanne, qui a rappelé la tentative de captation des circuits courts alimentaires par la famille Mulliez au travers de leurs magasins O'Tera. L'Union des Commerçants de Douai, en lutte contre l'extension du centre commercial Auchan de Noyelles-Godault, a rappelé la responsabilité des zones commerciales dans la désertification des centres-villes. L'association Peuples Solidaires a appelé la famille Mulliez à assumer ses responsabilités dans le drame du Rana Plaza en contribuant au fonds d'indemnisation des victimes. Le collectif organisateur a rappelé que derrière la famille Mulliez, c'est tout un système de production et de distribution que cette marche entendait dénoncer.
Ouvert par un tracteur et des caddies sur lesquels on pouvait voir des pancartes « Occupy Mulliez » ou « Decathlon, à fond l'béton », un cortège coloré de plus de deux cents personnes s'est ensuite ébranlé en direction de Néchin (commune belge d'Estaimpuis), où résident plusieurs membres de la famille Mulliez. La traversée de la rue de Lannoy, commerçante et populaire, a permis de recueillir l'expression du soutien des commerçants et des habitants. Le nombre important d'entreprises détenues par la famille Mulliez a permis aux marcheurs de donner libre cours à leur imagination pour la confection de pancartes : « Kiabi, la mode mais à quel prix ? », « Les trois brasseurs... de pognon », « Des terres pas des hypers » ou encore « Immochan, non. Hymne aux champs, oui ».
La marche a été bloquée par les forces de l'ordre belges quelques centaines de mètres après avoir franchi la frontière. Les esprits se sont échauffés lorsque la police a tenté, sans succès, d'empêcher les marcheurs de déverser de la terre sur le bitume de Néchin pour y planter tomates et pommes de terre. Tout un symbole : ils bétonnent nos terres, nous cultivons sur le béton. Lors de la bousculade devant la benne, un marcheur a été brièvement arrêté, avant d'être relâché quelques minutes plus tard.
Une fois le calme revenu, le syndicat Solidaires Finances Publiques a pris la parole, établissant un lien entre évasion ou fraude fiscale et politiques d'austérité imposées aux travailleurs. La mobilisation se terminait par une collation à base de produits fermiers normands (offerts par des paysans soutenant la marche), lorsque la police montée a forcé les marcheurs à repasser la frontière, sur ordre du bourgmestre d'Estaimpuis.
Face aux réactions policières, nous nous interrogeons : la liberté de manifester s'arrête-t-elle là où commencent les pelouses des grandes fortunes ?
Réunis le soir même en Assemblée Générale à Mouscron (Belgique), les collectifs ont voté la poursuite des contacts et des actions coordonnées, et ont actés que la tentative de récupération des circuits courts alimentaires et paysans par la grande distribution fera l'objet d'une action future.
Prochaines échéances locales des collectifs :
• 31 mai 2014 : lancement officiel de la campagne de recueil de promesses d'achat de parts par l'Association De Protection de la Ferme des Bouillons (campagne lancée pour évaluer la capacité de mobilisation d'épargne citoyenne et initier un dialogue avec Immochan et les collectivités territoriales) ;
• 15 juin 2014 : chantier de mise en culture sur le site menacé par Oxylane à Saint-Jean de Braye ;
• 20 et 21 septembre 2014 : Alternatiba à Gonesse, rassemblement citoyen sur la problématique du changement climatique sur le site prévu d' « Europa City » et de sa future piste de ski climatisée, à moins de trois kilomètres du Bourget, lieu de la conférence internationale sur le climat de fin 2015 (COP21).
Davos, Biderberg c'est loin. A Roubaix 1000 cousins mulliez en colloque singulier élisent leur président.
Article 145 - De quoi parle t-on dans l'Assemblée Générale du Groupe Mulliez qui va désigner le successeur de Thierry Mulliez ?
Challenges vient de publier un article donnant Barthélémy Guislain comme futur successeur de Thierry Mulliez à la tête du groupe Mulliez. Cet article est d'une indigence totale. Comme si l'important était la question de la tête dans - ou hors - de la famille qui prendrait la succession de Thierry Mulliez.
L'important pour les salariés, c'est ce qui se discute au sein de la famille.
Et d'abord dans l'acte de candidature de B. Guislain. Bien évidemment, comme tous les candidats (nous allons y revenir) il met en avant la famille, avec son enjeu "l'affectio", avec l'implication du plus grand nombre d'associés connaissant les entreprises par le travail, par les conseils ou par la proximité ... afin de conserver l'esprit d'entrepreneur ... et (c'est bon pour l'élection) de préparer et impliquer les 30 talents de la génération 20-30 ans capables d'être les gouvernements de demain ... Surtout, c'est l'enjeu de la croissance pour le groupe Mulliez, avec un objectif : accélérer les allocations de ressources dans les métiers et les pays à fort potentiel de croissance ... Ceci, afin de faire coexister le soutien à l'entrepreneuriat (les nouveaux métiers, avec la pépinière Creadev, par exemple) avec le recentrage des ressources vers les entreprises à vocation mondiale. Traduction : ça va bouger dans les entreprises du groupe : les recentrages, restructurations etc... sont à l'ordre du jour. Ce n'est pas pour rien que B. Guislain a le soutien d'un autre candidat en la personne de Jérôme Mulliez, bras droit de Thierry Mulliez, et ses options très financières (voir ci-après). En outre, la gérance doit s'assurer des conditions permanentes de la liquidité des actionnaires (il faut que l'actionnaire s'y retrouve ...) bien évidemment sans limiter la capacité d'investissement. Enfin, il est de bon ton de mettre en avant la mutation multicanale (il faut des hypers, des supers, des magasins, du net et de la vente à distance, des drives ... et un recours accru aux nouvelles technologies pour vendre). Aucun des candidats n'a oublié ce point ... Comme on vous le dit, c'est dans l'air du temps ... et de l'argent à gagner.
La suite sur le blog La richesse des mulliez et les grandes fortunes, Benoit Boussemart. Lien.
Yann FIEVET - Le grand commerce aux champs - Lien
L'économie est en panne, au grand dam des fanas de la Croissance providentielle qui ne cessent d'annoncer son retour prochain.
En attendant le miracle l'argent manque, nous dit-on, pour financer ce qui devrait demeurer l'essentiel : la construction de logements sociaux ou le financements de projets économiques plus doux à l'environnement et moins gourmands en énergie. Il est au moins un domaine qui rompt avec ce constat de l'investissement défaillant : la Grande distrib ». Partout en France des centres commerciaux toujours plus vastes continuent de sortir de terre, d'une terre.
Souvent agricole. Ils poussent cependant dans des environnement commerciaux déjà saturés. Nombre de ces temples voués à la consommation de masse connaissent une fréquentation en dessous des prédictions des gourous du secteur, fréquentation même dérisoire dans certains endroits. Le champion toute catégorie en la matière est depuis quelques années le groupe Auchan passé maître en fructueux montages financiers par temps de vaches maigres. Découvrons les arcanes de ce paradoxe.
A l'heure où l'ambiance artificielle et vulgaire des « grandes surfaces » horripile de plus en plus de consommateurs, où l'on mesure pleinement les conséquences sociales de la désertification commerciale des centres villes, où le tout automobile est remis en cause, où l'intérêt général commande, pour l'avenir alimentaire de la population, de préserver les terres agricoles – notamment à proximité des grandes agglomérations – l'on est autorisé à se demander si le gigantisme des complexes mercantiles péri-urbains n'est pas d'ores-et-déjà un vestige du passé. Né dans les Trente Glorieuses il a traversé sans trop souffrir les Quarante Piteuses qui suivirent en dissimulant sous de nombreuses pratiques douteuses sa nature profonde. On parle de complexes. Pourtant, ils n'en ont guère ces monstres du « grand commerce » ! Grâce à l'essor débridé des « marges arrières » – magistralement dénoncé en 2000 par Christian Jacquiau (1) – ils ont pu faire payer aux fournisseurs de leurs « centrales d'achat » une part non négligeable du coût de leur développement. Grâce à une classe politique facilement asservie à la cause du grand commerce ils ont réussi à s'implanter partout contre le petit commerce de proximité existant. Par temps de chômage de masse l'argument de l'emploi brandi sous le nez des élus locaux a fonctionné à merveille bien que lorsque la Grande distribution crée un emploi elle contribue à en détruire quatre ou cinq dans le reste de l'économie. Nous passerons ici sous un silence pudique les contreparties moins avouables à l'obtention des permis d'implantation. Sachons cependant que l'esprit de la démocratie en est passablement écorné.
Désormais, les chiffres d'affaires se tassent pour un nombre croissant de super ou d'hypermarchés, quand ils ne reculent pas. Si la dégradation du pouvoir d'achat des ménages au cours des dernières années joue un rôle dans les moindres performances économiques des groupes de la Grande distribution elle est loin de l'expliquer totalement. La concurrence acharnée que se livrent les grandes enseignes, les choix hasardeux d'implantation des lieux de vente, le retour – certes encore ténu – du commerce de proximité, le développement des « circuits courts alimentaires », voilà autant de raisons non reconnues officiellement par les dirigeants de ces groupes mais qui n'en sont pas moins à prendre sérieusement comme signe de la fuite en avant du secteur face à la désaffection du consommateur. Le Millénaire – oui, la gonflette va jusqu'aux appellations d'origine mal contrôlées – d'Aubervilliers est un fiasco en regard de ce qui en était attendu, du moins sur les luxueuses plaquettes abondamment distribuées lors de son inauguration à la fin de l'année 2011. Aéroville, inauguré en novembre dernier sur le territoire de l'aéroport Roissy-CDG, connaît une minable fréquentation. Ils s'agissait avec 86 000 m² (soit 9 ha sans les parkings !) de transformer les très nombreux salariés de la plateforme de Roissy en autant de chalands potentiels. Hélas ! « le chaland qui passe » ne fait que passer. Il continue de faire ses emplettes là où il vit. Et, en fin de semaine, le bide persiste : la population alentour boude également ce complexe flambant neuf, elle aussi a le toupet de garder ses anciennes habitudes d'achat. Cette incroyable erreur d'appréciation est l'œuvre d'Auchan soi-même. Auchan qui ambitionne d'implanter, à trois kilomètres de son Aéroville cloué au sol, « le plus grand centre commercial d'Europe. Cet Europa City nous est promis pour 2020, dans le « triangle de Gonesse », avec hôtels de grande capacité, enseignes du luxe européen, salles de spectacles, piste de ski d'intérieur. Le tout sur les terres agricoles les plus fertile d'Ile-de-France avec l'ardent soutien du député-maire PS de Gonesse. Il s'agit cette fois d'ambitionner la captation de la clientèle potentielle que représentent les millions de touristes passant par Roissy chaque année. Et si eux aussi ne faisaient que passer pour préférer « le grand Paris » tout de même autrement plus jouissif ?
Comme tout cela est peu convaincant ! D'autant que les milliers – voire les dizaines de milliers – d'emplois promis ne sont jamais créés ou ne profitent que rarement à la population environnante contrairement à ce que des élus faussement naïfs lui promettaient. Que ce cache-t-il donc derrière ces inaugurations tonitruantes précédées par de massives campagnes de publi-reportages ? De juteuses opérations foncières et immobilières. Ce n'est pas le fonctionnement des centre commerciaux qui intéresse le plus Auchan. Au-delà de l'aspect strictement commercial de ces complexes la spéculation foncière et la promotion immobilière garantissent des profits bien plus colossaux. Immochan, filiale immobilière du groupe Auchan, achète depuis des années de grandes superficies de terre agricole. On le sait la terre agricole ne se vend pas très chère. Mais quand elle s'urbanise... Ainsi, Auchan a racheté près de Rouen une ancienne ferme, la ferme des Bouillons. Inquiets, des citoyens ont décidé de squatter l'endroit et ont recréé la ferme dont l'activité grandit depuis trois ans. Leur Collectif a co-organisé avec le Collectif Pour le Triangle de Gonesse le 17 mai dernier une marche entre Roubaix (siège du groupe Auchan) et Néchin en Belgique où une partie du « clan Mulliez » a élu domicile pour des raisons fiscales que, malgré de sérieux efforts de compréhension envers l'une des familles les plus riches de ... France, l'on a quand même du mal à accepter par temps d'austérité sévère.
Cette marche avait pour slogan « des champs, pas d'Auchan ». Ces réveils citoyens auront des lendemains chantants – et champêtres ! – afin de reconstruire la Cité sur les champs de ruines que seront devenus les temples trompeurs du consommationnisme d'aujourd'hui. Aux champs !
Yann Fiévet
(1) Christian Jacquiau : Les coulisses de la Grande distribution, Albin Michel. Lien
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